Birdman figure parmi les grands favoris des prochains Oscars la statuette semble promise à Michael Keaton [Maj du 23/02/2015 : ben finalement c’est raté ] pour ce rôle-renaissance si meta-textuel d’une ancienne star de film de super-héros tentant un come-back à Broadway et à Iñárritu pour sa mise en scène. Paradoxalement je ne crois pas que le film lui-même mérite les même honneurs car pour moi Birdman dans son ensemble vaut moins que la somme de ses parties …
Treize ans après avoir connu la la gloire en interprétant le super-héros Birdman dans une série de films à succès, Riggan Thomson tente de ressusciter une carrière éclipsée par ce succès en adaptant à Broadway une nouvelle de Raymond Carver qu’il joue, écrit et met en scène.
A quelques jours de la première il va se se débattre dans les affres d’une dépression nerveuse, tout en tentant de sauver sa pièce . Son second rôle , Mike Shiner (Ed Norton), quintessence de l’acteur de théâtre « actor’s studio » prétentieux vit une relation tumultueuse avec la vedette féminine de la pièce Leslie (Naomi Watts) et perturbe les répétitions. Thomson apprend que sa petite amie, Laura (Andrea Riseborough) – et second rôle féminin – est enceinte alors que sa relation avec fille Sam (Emma Stone) fraîchement sorti de cure de désintoxication qui lui sert d’assistante se dégrade.
Birdman est avant tout un accomplissement technique d’Iñárritu et de son directeur de la photographie Emmanuel Lubezki le film semble en effet se composer d’ un long plan-séquence de deux heures. Si l’action du film est confinée au théâtre et ses environs la caméra y suit tous les personnages à travers les coulisses, sur scène, parmi le public , dans les rues, sur le toit et plus haut encore…Lubezki déja spécialiste des plans séquences d’anthologie , ceux des Fils de l’Homme et de Gravity qui lui a valu de remporter son premier Oscar l’année dernière place avec Birdman la barre encore plus haut et prend une option pour une seconde statuette.[Maj du 23/02/2015 : en revanche pour lui c’est bon ]

Ce dispositif qui crée une intimité très forte avec le personnage de Keaton, mais s’avère à la longue plus superficiel que substantiel. L’ancien Batman quasi omniprésent se donne à fond dans toutes les scènes mais on a du mal à s’attacher à son personnage égocentrique qui manque de profondeur , sa performance sur la durée fini par être monotone. La première heure enlevée est la plus agréable , la seconde plus dramatique s’avère vite répétitive. Birdman se veut plus profond qu’il ne l’est vraiment et verse parfois dans une parodie de film d’auteur devant certaines scènes.
Malgré ces réserves il y a néanmoins d’excellents moments dans le film , la confrontation de Keaton avec une critique de théâtre est la scéne dramatique le plus authentique , celle ou Thompson-Keaton enfermé hors de son théâtre déambule hagard en caleçon dans Time-Square est un vrai moment de cinéma.

La performance du film est pour moi celle d’Edward Norton qui incarne ce cabot d’anthologie avec un naturel incroyable. Naomi Watts et Andrea Riseborough sont elles aussi impeccables, cette dernière en particulier en drama-queen lesbienne. Le jeu d’Emma Stone favorite pour l’Oscar du second rôle lui m’a semblé trop forcé même si ses scènes avec Norton ou la dernière avec Keaton sont plus fluides.
Apres certaines déclarations d’Iñárritu je craignais que Birdman ne se réduise à un pamphlet contre l’hégémonie du film de super-héros symptôme de la marchandisation de la culture. Heureusement ce commentaire est loin de constituer le cœur du film, le rôle de Birdman est la métaphore de tous les rôles emblématiques qui enferment leur interprètes de Jack Sparrow à James Bond et les « attaques » se moquant ouvertement du genre sont amenées avec humour (les répliques au sujet de Robert Downey Jr, de Jeremy Renner et Michael Fassbender sont drôles) et ironie du sort Keaton, Norton et Emma Stone sont tous des vétérans du genre super-héroïque.

Paradoxalement Birdman est presque lui-même un film de super-héros à travers les éléments quasi- fantastiques qu’introduit Iñárritu : Riggan hanté littéralement par son personnage de Birdman, qui s’adresse à lui d’une voix profonde (qui n’est pas sans sans rappeler celle de son successeur Christian Bale). Il semblepar ailleurs développer des dons de télékinésie (on le découvre d’ailleurs en train de léviter dans le premier plan du film) . Se pouvoirs sont ils liés à ce de météores qu’on voit s’écraser au début du film ou sont ils des symptômes de sa dépression ? Ces moments décalés sont mes préférés du film.
Conclusion : La forme virtuose de Birdman, véritable démonstration de mise en scène et de direction d’acteur, finit par prendre le pas sur le fond. Malgré de vrais moments de grâce, Iñárritu et Keaton impressionnent mais peinent à toucher.
Ma Note : B+
Birdman d’Alejandro González Iñárritu (sortie le 25/02/ 2015)
Merci à Fabrice (@Moviestories_ ) dont les conversations ont nourri cette critique.