MAD MAX FURY ROAD (2015)

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Il est délicat pour un réalisateur de revisiter un personnage marquant après 30 ans, car cela expose à des déceptions proportionnelles aux attentes souvent démesurées des fans (pensons à l’exemple de Prometheus avec Charlize Theron). Pourtant, George Miller arrive à surpasser ces attentes et redéfinit une fois de plus la représentation de l’action au cinéma, offrant au genre un véritable chef-d’œuvre !

Le « Mad » Max Rockatansky évolue toujours dans un monde post-apocalyptique où les derniers survivants se battent pour l’essence et l’eau. Capturé par le clan d’Immortan Joe, un seigneur de la guerre et chef religieux, il n’a d’autre choix que de s’allier à Imperator Furiosa, une de ses partisans qui prévoit de trahir Joe en emportant avec elle ses cinq « épouses », des jeunes femmes réduites à l’état d’esclaves. À bord d’une forteresse roulante, une traque impitoyable commence dans le désert. C’est une expérience inédite que de découvrir la suite d’un film vu il y a 30 ans… Max Rockatansky revient, cette fois incarné par Tom Hardy, avec la bénédiction de Mel Gibson, qui avait failli reprendre son rôle il y a 14 ans avant que le projet ne soit suspendu suite aux événements du 11 septembre. J’ai trouvé le travail d’Hardy remarquable ; il parvient à évoquer immédiatement le personnage de Max, dont la force résidait surtout dans le charisme de l’interprète original. Son Max est plus tourmenté par la perte de sa famille que celui de Gibson, et plus sauvage aussi ; il commence le film presque à l’état brut. Capturé et réduit à servir de réserve de sang pour les maraudeurs, il passe le premier tiers du film muselé et enchaîné à l’avant du véhicule de Nux (Nicholas Hoult), l’un des soldats d’Immortan Joe. C’est progressivement, au fil de l’intrigue, qu’il retrouve ses attributs caractéristiques (un peu comme l’homme sans nom dans Le Bon, la Brute et le Truand) et que sa version rejoint celle de Gibson, un solitaire qui se met au service d’une communauté, trouvant une lueur d’espoir dans un monde condamné.

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Si Max est le personnage principal, le véritable protagoniste du film est Charlize Theron, qui crée avec Imperator Furiosa un personnage auquel on peut comparer Ripley ou Sarah Connor parmi les grandes héroïnes du film d’action. Porté par une iconographie inoubliable, avec sa prothèse « steampunk », elle insuffle à son personnage une rage muette, née d’années de servitude, qui devient son moteur, culminant dans une scène poignante où elle libère toute cette souffrance accumulée. Nicholas Hoult s’accorde parfaitement avec les deux vedettes, offrant une interprétation d’abord exaltée, puis émouvante, d’un personnage tragique, allégorie des fanatiques religieux kamikazes conditionnés dès l’enfance.

Mais la véritable vedette de Fury Road est George Miller, qui redéfinit l’action cinématographique et pose les bases d’un cinéma cinétique entièrement dédié au mouvement, où l’action est au cœur de la narration. À 70 ans, il insuffle à Fury Road une énergie surnaturelle qui qui ridiculiserait presque 30 ans de grands spectacles.. Le spectateur se retrouve dans la position de Max au début du film, accroché à la calandre d’un bolide lancé à pleine vitesse, au milieu de collisions et d’explosions gargantuesques. Les principales séquences d’action se déroulent parfois sur six ou sept niveaux différents simultanément, sans jamais perdre en lisibilité. L’inventivité est constante, avec des assaillants suspendus au bout de perches et des lanciers kamikazes s’élançant à l’assaut de monstres de métal. Miller évolue son style, introduisant des images accélérées et un aspect plus opératique. Avec son directeur de la photographie John Seale (qui a déjà collaboré avec Miller sur Lorenzo’s Oil), il redéfinit les codes chromatiques de son univers postapocalyptique. Loin des teintes ternes et dé-saturées, le film célèbre des couleurs éclatantes et vibrantes, où même la nuit devient bleu électrique. La musique pulsative de Junkie XL (souvent critiqué, mais ici brillant) accompagne l’action, avec un personnage burlesque de guitariste rock armé d’une guitare lance-flammes.

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Le film enrichit la cartographie des forces qui peuplent l’univers des wastelands ; chaque personnage, même secondaire, semble avoir une histoire et représente une facette de ce nouvel âge barbare succédant à la civilisation. La conception artistique est d’une richesse incroyable, et le travail minutieux sur les décors et les costumes rend ce monde tangible. Il convient de rendre hommage à Brendan McCarthy, artiste de BD et co-scénariste, qui a collaboré avec Miller pendant plus de 10 ans pour bâtir cette œuvre majeure. Rares sont les films qui réussissent à allier une direction artistique riche avec une approche instinctive et primitive, comme le fait Fury Road.

Les Mad Max sont nés des angoisses et bouleversements engendrés par les chocs pétroliers des années 70, tout comme Fury Road se nourrit des inquiétudes écologiques, politiques et sociologiques d’un monde post-11 septembre. On y trouve le capitalisme vampirique, le culte des armes et le fanatisme religieux incarnés par trois des méchants du film : The People Eater, The Bullet Farmer, et bien sûr, Immortan Joe, un vilain abject rongé par la maladie, représentant un système voué à disparaître. L’émancipation féminine, incarnée par les « Mères » et le clan de Furiosa, semble symboliser pour Miller l’espoir d’un nouveau départ pour l’humanité.

En conclusion, Mad Max: Fury Road, œuvre monumentale, opératique, épique et hallucinée, marque une date clé dans l’histoire du cinéma d’action (et donc du cinéma tout court). Un classique instantané.

Ma Note : A

Mad Max Fury Road de George Miller (sortie le 14/05/2015)

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