AVENGERS INFINITY WAR (2018)

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Il s’est écoulé une décennie depuis la sortie d’Iron Man de Jon Favreau (Iron Man 2, Chef), qui a marqué l’inauguration presque fortuite du Marvel Cinematic Universe (MCU). Ce vaste univers cinématographique, initialement esquissé par la scène où Nick Fury (Samuel L. Jackson, Pulp Fiction, The Hateful Eight) révèle l’existence de l’Initiative Avengers à Tony Stark (Robert Downey Jr., Sherlock Holmes, Tropic Thunder), s’est développé au fil des années, à l’image des comics, dans un monde partagé où divers héros des films peuvent croiser leurs destins. L’arrivée d’Avengers en 2012, le premier film à franchir la barre des 200 millions de dollars de recettes dès son premier week-end, a marqué l’apogée de cette expérience narrative, accumulant à ce jour plus de 14 milliards de dollars de recettes. Six ans plus tard, Kevin Feige confie la réalisation de l’apothéose de ce premier cycle du studio aux frères Joe et Anthony Russo (Captain America: The Winter Soldier, Captain America: Civil War), accompagnés des scénaristes Christopher Markus (Thor: The Dark World, Captain America: Civil War) et Stephen McFeely (Thor: The Dark World, Captain America: Civil War). Leur mission : donner vie à un film qui confronterait enfin les héros à l’ultime méchant, entrevu pour la première fois dans la scène post-générique d’Avengers, le redoutable titan fou, Thanos (Josh Brolin, No Country for Old Men, Sicario). Infinity War se propose d’adapter pour la première fois au cinéma une tradition bien ancrée des comics : le crossover event, une histoire exceptionnelle impliquant TOUS les héros de la firme. C’est un concept que seul Marvel Studios est capable de porter à l’écran, grâce à sa structure d’univers partagé et à la gestion d’une macro-histoire qui s’étend à travers plusieurs films. Infinity War lance aux frères Russo, ainsi qu’à leurs scénaristes, deux défis majeurs. Le premier consiste à orchestrer la présence d’une trentaine de héros, leur conférant non seulement des rôles significatifs, mais également une utilité narrative au-delà de la simple apparition. Pour relever ce défi, Markus et McFeely adoptent un dispositif narratif propre aux comics, fractionnant les héros en petits groupes chargés de missions spécifiques sur des fronts distincts. Cette approche revisite des environnements emblématiques de l’univers Marvel, permettant ainsi le développement d’interactions inédites. Les films de la Phase II ayant démystifié la « trinité » Iron Man, Captain America et Thor dans leurs dernières aventures solos, et ayant fragmenté l’équipe dans Captain America: Civil War, ces combinaisons trouvent désormais une véritable cohérence. Le script maintient avec élégance l’équilibre entre les nombreux protagonistes, attribuant de manière assez surprenante des rôles étendus à des figures telles que Doctor Strange (Benedict Cumberbatch, Sherlock, The Imitation Game), Thor (Chris Hemsworth, Rush, Men in Black: International), Gamora (Zoe Saldana, Avatar, Guardians of the Galaxy) ou Star-Lord (Chris Pratt, Parks and Recreation, Jurassic World). Le hiatus qui sépare ces héros au moment crucial où se dresse leur plus redoutable adversaire contribue à accentuer leur vulnérabilité et à rendre les enjeux plus dramatiques.

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Infinity War puise son inspiration dans deux séries captivantes : Infinity Gauntlet (1991) et Infinity (2013). Ces récits, où Thanos se taille la part du lion en tant qu’antagoniste majeur, ont fait monter en flèche sa cote auprès des fans depuis son intrusion occasionnelle dans Avengers. Le deuxième défi, que le film relève avec brio, consiste à donner à Thanos une profondeur qui en fait une menace mémorable, justifiant ainsi l’alliance des héros dans un domaine souvent considéré comme la faiblesse des films Marvel Studios : celui des méchants. La morphologie unique de Thanos exige l’utilisation de la motion capture pour rendre la performance de Josh Brolin à l’écran. Les craintes initiales sont vite balayées par l’intensité de sa présence, les intonations menaçantes de sa voix grave et la qualité des effets numériques qui le rendent palpable. Thanos devient ainsi un personnage authentique, avec une épaisseur émotionnelle, tout en demeurant une force de la nature implacable. Alors que l’objectif de Thanos reste inchangé par rapport aux comics (l’annihilation de la moitié des êtres vivants de l’univers), ses motivations diffèrent. Exit le nihilisme amoureux de la Mort (la scène post-générique d’Avengers le montrant sourire quand son sbire affirme qu’affronter les Avengers c’est « courtiser la mort » atteste que les projets du studio ont changé depuis le film de Joss Whedon), place à une logique malthusienne visant à préserver l’équilibre de l’univers face à une population en croissance exponentielle.

L’action est quasi-permanente, atteignant une échelle véritablement cosmique qui rend hommage aux images les plus spectaculaires des comics. Bien que l’on puisse ressentir l’absence de Spiro Razatos, coordinateur de l’action des deux films précédents des Russo, surtout dans les combats au corps à corps qui parfois manquent d’une certaine visceralité, le remplaçant Alexander Witt (Skyfall, X-Men: First Class) compense rapidement cette lacune grâce à la générosité et à l’ampleur de l’action. Les scènes de confrontations super-héroïques sont un spectacle où les Russo exploitent aussi bien la personnalité des combattants que leurs pouvoirs. Les acteurs exceptionnels parviennent à conférer une véritable texture à ces personnages qu’ils maîtrisent si bien, même lorsque le scénario peine à le faire.

Ironiquement, le principal défaut d’Infinity War découle de sa plus grande force : son adhésion totale aux codes des crossovers massifs des comics. Le film s’engage entièrement dans la mécanique de son intrigue, orchestrant une série de « payoffs » toujours plus gigantesques au détriment du développement des personnages, à l’exception notable de Thanos. Bien que Markus, McFeely et les Russo exploitent pleinement la personnalité de chaque protagoniste telle qu’elle a été établie dans leurs propres films, certains passent malheureusement au second plan. C’est particulièrement inévitable pour ceux qui, comme Captain America (Chris Evans, Snowpiercer, Knives Out) et les personnages qui lui sont associés, n’ont pas de lien direct avec l’aspect cosmique de l’univers Marvel. Sur le plan technique, quelques effets visuels présentent des disparités, surtout lorsqu’ils évoluent dans des environnements réalistes, comme lors de la bataille du Wakanda (bien que les visuels cosmiques soient indiscutablement réussis). La photographie de Trent Opaloch (Elysium, Chappie), parfois un peu terne pour une saga d’une telle envergure, et la composition peu mémorable d’Alan Silvestri (Forrest Gump, Back to the Future) contribuent également à cette imperfection. Cependant, l’action débordante est résolument « comic-booky » Cependant, l’action débordante est résolument « comic-booky » – des planètes sont utilisées comme projectiles, des étoiles s’allument à nouveau, et le combat est le leitmotiv pendant au moins la moitié du métrage.

Conclusion : Pure transposition à l’écran des « crossovers events »  des comics, Avengers: Infinity War capitalisant sur une décennie de récits interconnectés et de personnages emblématiques livre un spectacle épique à couper le souffle. Les frères Russo, avec l’aide des scénaristes Markus et McFeely, réussissent à équilibrer habilement l’action frénétique et les moments d’émotion, tout en donnant à Thanos une profondeur inédite qui le propulse au rang de méchant mémorable. Malgré quelques imperfections et le défi de gérer une pléthore de héros, le film parvient à capturer l’essence des comics tout en offrant des interactions inédites entre les personnages. En fusionnant brillamment humour, drame et action à une échelle cosmique, Infinity War s’inscrit comme un jalon incontournable dans l’univers Marvel.

Ma Note : A

Avengers Infinity War de Joe et Anthony Russo (sortie le 25/04/2018)

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