UNCHARTED (Critique)

L’adaptation cinématographique de la franchise vidéoludique du studio Naughty Dog est un véritable serpent de mer, en développement depuis 2008 chez Sony sous l’égide du producteur israélien Avi Arad dont le titre de gloire est d’avoir porté à l’écran Spider-man. Le projet a connu de nombreuses itérations et voit se succéder un défilé de scénaristes et de réalisateurs. D’abord c’est étonnamment David O’Russell (The Fighter) qui s’y attelle souhaitant confier le rôle du héros à Mark Wahlberg qu’il veut entourer rien de moins que de Robert De Niro et Joe Pesci, mais il quitte le projet pour Happiness Therapy, Neil Burger (Limitless) lui succède mais quitte le projet pour Divergent. Les scénaristes de Benjamin Gates et le Trésor des Templiers  Cormac et Marianne Wibberley sont embauchés alors pour réécrire le script pour Seth Gordon (Baywatch) puis c’est au tour du scénariste de Safe House  David Guggenheim puis de Mark Boahl (Zero Dark Thirty) de livrer de nouvelles versions de l’histoire. Les producteurs pensent à Chris Pratt pour le rôle titre. Joe Carnahan (L’Agence Tous Risques) réécrit ensuite le script pour Shawn Levy (Real Steel)  qui caste alors Tom Holland avant d’abandonner le projet pour Free Guy. La valse des réalisateurs s’accélère encore avec les embauches de Dan Trachtenberg (10 Cloverfield Lane) puis Travis Knight (Bumblebee) avant que finalement en 2020 Reuben Fleisher qui vient de travailler avec Arad sur Venom en prenne les commandes avec un script signé par le duo Art Marcum et Matt Holloway (Iron Man). Entre temps Mark Wahlberg est revenu dans la danse pour incarner le partenaire de Nathan Drake, Victor Sullivan dit « Sully » presque dix ans après les prémisses du projet. Uncharted semble ainsi cumuler deux malédictions celles des adaptations de jeux -vidéos et celle des projets longtemps condamnés au « development hell« . S’y ajoute que le casting de Tom Holland, jugé trop jeune, ne satisfait pas les fans, ni celui d’un Wahlberg peu ressemblant. La production justifie ce casting en indiquant que l’intrigue du film servira  d’ »origin story » aux jeux (une mauvaise habitude des studios qui s’obstinent  à faire des films inspirés de licences connues où le héros ne trouve sa forme finale connue de tous qu’à la fin du film)  et s’inspirera du quatrième jeu de la série, Uncharted 4 : A Thief’s End . Alors Nathan Drake a t’il pu échapper à ces deux malédictions ?

L’histoire débute avec Nathan « Nate » Drake et son frère aîné Sam dans un orphelinat depuis la mort de leur parents. Sam est obsédé par la découverte du trésor perdu du navigateur Ferdinand Magellan et c’est en cherchant à voler une carte ayant appartenu au célèbre explorateur que  les deux frères  se font prendre. Sam disparait pour échapper à la prison et on retrouve 10 ans plus tard, Nate (Tom Holland) devenu  barman et voleur occasionnel. Victor « Sully » Sullivan (Mark Wahlberg) le surprend  en flagrant délit et lui demande s’il veut participer à une braquage beaucoup plus important. Il s’avère que Sully et  Sam ont approchés de très prés la découverte du trésor de Magellan, avant que Sam ne disparaisse. Pour retrouver son frère, Nate accepte d’aider Sully à mettre la main sur une croix en or – clé de l’emplacement du trésor. Hélas, d’autres chasseurs de trésors sont sur le coup, le millionnaire Moncada (Antonio Banderas), aidé par sa » femme de main » Jo Braddock (Tati Gabrielle) ancienne connaissance de Sully et Chloé Fraser (Sophia Ali)Nate et Sully pourront-ils déchiffrer les indices et résoudre l’un des plus anciens mystères du monde avant que Moncada et Braddock ne les rattrapent ? Uncharted n’est certainement pas le pire film basé sur un jeu vidéo, c’est un film d’aventures dans lequel on retrouve toutes les conventions du sous-genre de la chasse aux trésors avec sa course à travers les continents, ses énigmes, ses antichambres secrètes, ses pièges mortels, ses trahisons entre canailles sympathiques, son millionnaire maléfique et ses armées de mercenaires. Bien qu’Uncharted s’inspire de divers éléments des jeux, la séquence dans l’avion cargo est tirée d’Uncharted 3 (et copiée du final du James Bond Tuer n’est pas jouer) et le film n’est une adaptation littérale, même si l’histoire du frère disparu rappelle Uncharted 4. Revers de ce recours à ces figures familières, Uncharted manque d’une personnalité propre et recycle des motifs déjà vus dans de meilleurs films du même genre. Mais c’est un inconvénient inévitable de ces adaptations puisque les jeux eux-mêmes s’inspirent de films, les Indiana Jones en l’occurrence. Cette forme de rétro-ingénierie narrative consistant à reconvertir le jeu en film et finit par ressembler à la copie d’une copie. Il aurait fallu sans doute pour y échapper que certains élément de la quête soient plus inventifs -trop souvent Uncharted tourne autour de l’utilisation par Nate et Chloé des mêmes clés plusieurs fois – et d’y apporter la patte spécifique d’un auteur.

Il y a néanmoins de nombreux  points positifs à trouver dans Uncharted . Si Reuben Fleisher ne s’est jamais montré à la hauteur des espoirs que son Bienvenue à Zombieland avaient pu faire naitre sur son potentiel, il se montre nettement plus en forme ici que sur le pitoyable Venom  (bien que la catastrophique suite de ce film relativise cette opinion). Il  pilote son film de manière assurée maitrisant le ton  – se contentant de raconter une histoire  simple qui a le bon gout de ne pas dépasser les deux heures,  conservant un rythme très plaisant,  épaulé par deux monteurs légendaires du cinéma d’action Chris Lebenzon (Armageddon, Les ailes de l’enfer, USS Alabama, Top Gun et bientôt sa suite) et Richard Pearson (Kong: Skull Island, La mort dans la peau). Sa mise en scène est plutôt inventive, on y trouve quelques transitions intéressantes. La photographie colorée de Chung-hoon Chung (Last Night in Soho, MademoiselleHotel Artemis) rend l’ensemble vivant même si la patine numérique tend à en écraser le style donnant même aux décors naturels un aspect factice. Comme la plupart des blockbusters actuels les morceaux de bravoure comme la séquence de l’avion sont noyés de CGI certes plutôt réussis mais les périls numériques n’auront jamais l’aspect viscéral des cascades authentiques, même si les origines vidéoludiques du film leur donnent un semblant de justification. Le film a la bonne idée de s’achever sur une séquence finale inventive et spectaculaire, la meilleure du film  où Nate et Sully combattent des méchants sur deux galions suspendus dans les airs et qui laisse le spectateur sur une bonne impression.

Tom Holland, n’a sans doute pas le physique qu’attendait les fans du jeu et la proximité de la sortie du film avec celle de Spider-man No Way Home oblige le spectateur à  quelques ajustements pour ne pas voir là une version alternative de Peter Parker. Mais l’acteur a une présence sympathique et dans un paysage du film d’action peuplé d’armoires à glace, il est assez rafraîchissant de le voir  glisser et rebondir sur les murs avec une grâce aussi agile. Holland a une sincérité dans son jeu qui fonctionne toujours. Dans le rôle de Sully, mentor et partenaire, à la fois méfiant et indigne de confiance, Mark Wahlberg (qu’on aime beaucoup ici) ajoute du culot et du sarcasme à ce qui est censé être une dynamique de buddy-movie. Les deux comédiens  doivent inventer un rapport que le  scénario a du mal à définir mais si ils fonctionnent à des niveaux d’énergie entièrement différents – le bagout de Wahlberg et la sincérité de Holland – l’entente fonctionne bien sans paraitre forcée apportant un peu d’analogique au milieu de cet univers numérique. Du coté des vilains, Banderas  semble s’amuser mais est étonnamment sous-utilisé, tandis que dans le rôle de BraddockTati Gabrielle excelle dans les séquences d’action plus physiques. Le maillon faible étant Sophia Ali en Chloé Frazer une chasseuse de trésors tirée du jeu même si les deux personnages sont écrits comme des variations de « la  fille d’action cool et sans émotions ».

En conclusion malgré quelques défauts de construction et des  CGI envahissants, Uncharted est un films d’aventures classique porté par la dynamique entre Tom Holland et Mark Wahlberg . Fleischer réussit à faire ce qu’il avait l’intention de faire – bâtir un divertissement pop-corn qui jette les bases d’éventuelles suites-, même si l’avenir dira  si ce sera suffisant.

Ma Note : B-

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