X-MEN DARK PHOENIX (Critique)

Si le retour de Bryan Singer sur la franchise avec X-Men Days of Future Past avait su tirer partie de la cure de rajeunissement que lui avait imposé Matthew Vaughn avec l’excellent X-Men Le Commencement, son film suivant X-men : Apocalypse avait montré les limites dans un contexte plus ouvertement fantastique d’un cinéaste qui n’avait jamais vraiment été à l’aise avec l’esprit des comics, attiré vers la franchise par les métaphores qu’autorisaient le concept des mutants sur les minorités. Survolant ses intrigues le film perdait en substance ce qu’il pensait gagner en envergure, faute d’investissement émotionnel dans ses personnages. Face à un box-office décevant et la nuée de scandales qui poursuit le réalisateur de Usual Suspect, le scénariste-producteur Simon Kinberg se retrouve seul aux commandes pour son premier film en tant que réalisateur de ce qui sera le dernier volet des aventures des X-Men version Fox puisque le rachat de la major par Disney entérine le retour des mutants sous le giron du MCU et de son guide Kevin Feige (qui commença en tant qu’assistant de Lauren Schuller-Donner sa carrière sur les deux premiers volets). L’ironie du sort veut que Kinberg revisite l’histoire la plus célèbre des comic-book, où Jean Grey fusionne avec une entité cosmique connue sous le nom de Phoenix qui lui donne un immense pouvoir mais la fait basculer dans la folie destructrice, qu’il avait déjà en partie adapté dans son script pour X-Men : L’Affrontement final . Si le jugement sur le film de Brett Ratner est sans doute trop sévère, il se voit offrir une nouvelle chance d’adapter dignement une histoire essentielle du canon.

On est donc surpris de constater que plutôt d’offrir une adaptation plus en phase avec le matériau d’origine, en tout cas différente, Kinberg entonne le classique de Piaf Non, je ne regrette rien tant Dark Phoenix remanie des séquences de son scénario de 2006 d’où il aurait expurgé les intrigues sur le vaccin anti-mutant (adaptée de l’arc de Joss Whedon dans le comics Astonishing X-men). On retrouve ainsi un affrontement dans une banlieue pavillonnaire qui s’achève par la mort d’un personnage, une évasion de mutants prisonniers d’un train au lieu d’un véhicule blindé mais qui implique Magneto , un affrontement final ente des adversaires dotés de super pouvoirs mais tous habillés comme une pub Gap. Visuellement si le choix de costumes « civils » se justifiaient en 2000 pour ne pas effrayer un public encore hanté par le souvenir des Batman de Joel Schumacher peu habitué aux codes et à l’esthétique du comic-book il apparaît complètement anachronique après une décennie de films du MCU et du DCEU. Les flash-back sur l’enfance de Jean pourraient bien être des scènes coupées du film de 2006 ainsi que la culpabilité de Charles Xavier de ne pouvoir aider Jean (et d’avoir réprimé ses pouvoirs) et le climax est une fois encore plein de désintégration numérique qui bénéficient marginalement des progrès des effets visuels.

Pourtant le film après ce flash-back sur l’enfance de Jean et son recrutement par Charles Xavier que nous évoquions auparavant, s’ouvre dans les années 90 (chaque film depuis X-Men Le Commencement se déroule dans une décennie différente) sur une séquence prometteuse où les X-Men devenus grâce aux efforts du Professeur Xavier une équipe de super-héros respectée sous la direction de Mystique (Jennifer Lawrence) sont appelés par le président des États-Unis pour secourir les astronautes de la navette Endeavor en perdition dans l’espace. Une fois en orbite les X-Men sont confronté à un mystérieux phénomène cosmique et ne doivent la vie sauve qu’à l’intervention de Jean Grey (Sophie Turner) qui absorbe cette énergie avant de s’effondrer. La scène est visuellement soignée (même si Kinberg se prive de la reconstitution d’une des images iconiques du comics, Jean émergeant des eaux après le crash) – l’équipe porte des uniformes qui s’inspirent de ceux conçus par le dessinateur Frank Quietly dans les comics (qu’ils n’utiliseront plus dans le reste du film), le rythme est soutenu (Lee Smith collaborateur attitré de Christopher Nolan signe le montage) les effets visuels de MPC sont impeccables comme la photographie cristalline de Mauro Fiore (Avatar, Training day). Hélas Dark Phoenix atteint ici son point culminant avec cette scène, aucune des séquences qui suivra n’aura la portée spectaculaire de cette introduction se limitant à des péripéties de séries télévisées : possédée par le pouvoir absolu du Phoenix Jean Grey ne le manifeste qu’en retournant des voitures de police ou en se livrant avec Magneto maître du magnétisme à une lutte épique pour empêcher un hélicoptère militaire de décoller avec forces de moulinets de bras …

Simon Kinberg va faire une série de mauvais choix narratifs qui l’empêchent de résoudre l’équation impossible que représente le film : la saga du Dark Phoenix dans les comic-books était l’aboutissement de plusieurs année d’intrigues et son film se veut le chapitre final de l’itération cinématographique commencée il y a dix-neuf ans mais le jeu des reboots fait que les versions des X-Men qu’il emploie ici Storm (Alexandra Shipp), Diablo (Kodi Smit-Mcphee) et le couple vedette Scott Summers -Jean Grey n’ont été introduits que dans le film précédent. Alors que la relation de Cyclope (incarné par un Tye Sheridan aussi charismatique que dans Ready Player One!!) avec Jean Grey est le cœur de cette arche narrative, Kinberg (qui, on se souvient, avait tué le personnage dés le début de X-Men : L’Affrontement final ) ne prend pas le temps de le développer lui préférant ceux incarné par des acteurs plus bankable comme James McAvoy , Michael Fassbender ou Nicolas Hoult même si ces derniers incarnent des mutants qui ne jouent aucun rôle dans l’histoire originale. Ainsi Magneto qui dirige la communauté mutante de l’île de Genosha, qui ressemble plus à un camp d’altermondialistes qu’à la nation mutante des comics sert de substitut à l’absence de Wolverine dans le rôle du membre badass de l’équipe prêt à faire ce que sont incapables les autres pour neutraliser Jean. Mème si le script justifie ce comportement par son désir de vengeance il n’apporte pas au personnage une conclusion liée aux thématiques qui lui sont associées. Michael Fassbender semble n’être présent ici que pour s’excuser auprès de la Fox des pertes de son Assassin’s Creed. La major peu rancunière ne lui impose le port du casque de Magneto que le temps de deux courtes scènes. James McAvoy qui semble incapable de livrer une mauvaise performance est une nouvelle fois impeccable en Charles Xavier. Contrairement à beaucoup de fans le casting de Sophie Turner en Jean Grey ne nous a jamais réellement convaincu mais elle livre une composition honorable dans un rôle finalement peu écrit. Jennifer Lawrence fait acte de présence dans le peu de temps qui lui est imparti. Les autres membres Nightcrawler, Strorm ou Quicksilver se contentent de jouer les utilités.

Les fans avaient vivement reproché à Simon Kinberg d’avoir gommé l’aspect cosmique science-fictionnel de la saga de Claremont et Byrne – dans les comics Jean Grey était soumise au jugement d’un empire extra-terrestre pour avoir détruit sous l’influence du Phoenix une civilisation extra-terrestre. Si il introduit cet aspect à travers l’antagoniste incarnée par Jessica Chastain dont le talent est gâché dans ce rôle de vilaine complètement générique, il utilise de façon déguisée un élément de l’univers Marvel qui n’a qu’une implication très tangentielle dans la Dark Phoenix Saga : la race d’extra-terrestres métamorphes les Skrulls. Il les rebaptise du nom de la race décimée par le Dark Phoenix dans les comics (les D’Bari) mais tout dans leur attitude renvoie aux skrulls vus cette année dans Captain Marvel. Il est d’ailleurs agaçant alors qu’il a à sa disposition une librairie de centaines de personnages mutants de voir Kinberg , à l’exception d’une apparition clin d’œil de la mutante chanteuse disco Dazzler (parfaitement retranscrite à l’écran) , peupler son film de mutants lambda comme cet homme de main de Magneto qui se bat avec ses cheveux (!!).

La rumeur veut que cette proximité avec le film de Anna Boden et Ryan Fleck aurait été la cause des reshoots extensifs dont le film a fait l’objet pour modifier un dernier acte qui devait à l’origine se dérouler à l’ONU où l’antagoniste interprétée par Jessica Chastain aurait tenté de tuer les dirigeants du monde. Le cadre de la bataille finale se voit déplacé vers le site du crash du train où ses disciples tentent de tuer les X-men et les agents du MCU (un clin d’œil lourdingue) qui les détiennent. Cette grande bataille aurait sans doute était impressionnante en 2007 mais , en dépit d’un montage qui maintient malgré ces bouleversements une cohérence à l’ensemble, rendent le film inégal sur le plan visuel, la photographie n’a pas la même tonalité et certains effets spéciaux (les éclairs de Storm) apparaissent inachevés faute de temps. Le retour de Hans Zimmer aux compositions super-héroïques est plutôt discret, son score illustratif n’a pas la puissance de son travail sur les films du DCEU.

Conclusion : Plutôt qu’une apothéose cette incarnation des aventures cinématographiques des X-Men, pourtant précurseur de la vague super-héroïque actuelle, s’achève à bout de souffle avec ce Dark Phoenix qui, s’il n’est en rien déshonorant (Kinberg se sort plutôt bien d’un premier film de cette envergure) n’apporte aucune idée nouvelle ni la solennité qu’aurait nécessité une telle conclusion. Mais déjà l’ombre de Kevin Feige se profile sur la façade de l’Institut Xavier pour Jeunes Surdoués …

Ma note : C

X-Men Dark Phoenix de Simon Kinberg (sortie le 5 Juin 2019)

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