TOP GUN : MAVERICK (Critique)

Avec son Reaganisme fiévreux, la façon dont il a amené le style visuel de MTV sur grand écran et comment il a scellé le statut de superstar de Tom Cruise, Top Gun n’a jamais été un grand film mais un objet encore plus rare : un film qui a défini son époque. Top Gun : Maverick avec sa techno-nostalgie testostéronée fonctionne encore mieux que l’original. Quelques secondes avant le début du test du jet Darkstar Mach 9 du capitaine Pete “Maverick » Mitchell pilote de légende de l’aéronavale devenu pilote d’essai (Tom Cruise), l’amiral Chester Cain (Ed Harris) arrive à la base navale du désert de Mojave pour arrêter le projet. Déterminé à prouver la compétence de son équipe, Mitchell défie les ordres et parvient à pousser l’avion au-delà de Mach 10 avant qu’il n’explose. Son rival du premier film devenu ami fidèle, qui commande maintenant la flotte du Pacifique l’amiral Tom « Iceman » Kazansky (Val Kilmer) le fait transférer à la fameuse académie Top Gun l’école de combat d’élite, cette fois-ci comme instructeur chargé de sélectionner parmi les meilleurs pilotes issus de l’académie ceux qui pourront mener à bien une mission quasi-impossible (forcément impossible avec Tom) en territoire ennemi : détruire une usine d’enrichissement d’uranium, nichée au cœur d’une chaîne de montagnes fortement fortifiée. Il a moins de trois semaines pour faire son choix et préparer six pilotes parmi des candidats comme Jake « Hangman » Seresin (Glen Powell), Natasha « Phoenix » Trace (Monica Barbaro), Reuben « Payback » Fitch (Jay Ellis), Mickey « Fanboy » Garcia (Danny Ramirez), Javy « Coyote » Machado (Greg Tarzan Davis), Robert « Bob » Floyd (Lewis Pullman) et Bradley « Rooster » Bradshaw (Miles Teller), le fils de son ancien équipier Goose.

Top Gun : Maverick décolle avec une explosion de nostalgie, ressuscitant résolument le passé tout en réfléchissant sur le temps qui passe. Comme un défi face au temps justement mais aussi à une industrie du cinéma qui connait sa plus grande mutation depuis l’apparition de la VHS, Cruise et le producteur Jerry Bruckheimer dont c’est la première collaboration depuis Jours de Tonnerre en 1990 font le choix de ressusciter sans l’altérer, la formule des blockbusters Simpson / Bruckheimer des années 80 (c’est bien leurs deux noms qui apparaissent dans le logo du générique comme toutes les suites des films du tandem depuis le décès de Simpson en 1996) lui apportant simplement une mise à jour technique. Le scenario signé Ehren Kruger (Transformers 3 et 4, Scream 3), Eric Warren Singer (American Bluff , Line of Fire l’excellent film sur les soldats du feu de Kosinski )et Christopher McQuarrie (auteur des deux derniers Mission Impossible pour Cruise dont il est devenu l’homme de confiance et qui a réécrit le script pour l’ajuster tel un costume à sa vedette) en décline sans second degré tous les codes. Le script adhère à la structure de l’original servant autant de remake que de suite s’ouvrant avec exactement le même texte que l’original, le même thème musical, la même chanson Danger Zone de Kenny Loggins, avec le même montage de jets qui décollent d’un porte-avions. On pourrait se croire en 1986 jusqu’à l’entrée dans le cadre d’un Tom Cruise, penché sur sa moto Kawasaki en blouson aviateur et lunettes de soleil, son sourire comme une explosion d’émail. Il est évidemment plus est âgé mais devrait probablement le paraître encore plus. Entraînement au vol, camaraderie, rivalité et disputes parmi les nouveaux pilotes, une partie de football de plage homoérotique (« dogfight football » comme l’appelle avec approbation Maverick) remplaçant la partie de volley de l’original et des clashes avec un officier supérieur qui veut le clouer au sol, les similitudes abondent mais ces clins d’œil sont toujours proposés avec assez de variations pour que les choses restent intéressantes. De même, si Maverick a conservé son audace et son effronterie elles sont aujourd’hui mêlées à un regret silencieux. L’ennemi reste une version fantasmée d’un conglomérat de toutes les peurs des ennemis des USA : un état voyou enrichissant de l’uranium en secret mais disposant d’une supériorité technologique sur la marine américaine, une nation non identifiée mais dont l’étoile rouge qui orne ses avions permet d’identifier aisément la nature de la menace. Mais là où Top Gun était une célébration de l’idéologique Reaganienne, la célébration de l’americana des 80s sublimée par la photographie élégiaque de Claudio Miranda ( L’Étrange Histoire de Benjamin Button, L’Odyssée de Pi, Oblivion ) semble irrémédiablement nostalgique après le mandat de Trump et l’attaque du Capitole. Top Gun : Maverick célèbre plus un homme qu’une idéologie et ce choix de ramener cette formule intacte qui, si elle a influencé le divertissement Hollywoodien moderne apparait aujourd’hui un peu anachronique, donne en fait tout son charme et son originalité au projet.

Pour les scènes aériennes en revanche les concepteurs de Top Gun : Maverick savent qu’ils se doivent de proposer quelque chose d’inédit à un public habitué aux confrontations super héroïques et aux cascades pixelisée des Fast and Furious. Joseph Kosinski s’inspire de la méthode employée par Cruise et McQuarrie sur les derniers Mission Impossible plaçant sa vedette et ses partenaires autant que possible dans les cockpits d’authentiques avions de chasse filmant les déformations de leurs visages encaissant les Gs. Jamais auparavant des images comme celles-ci n’avaient semblé aussi convaincantes, les perspectives du cockpit et la photographie aérienne placent les acteurs au cœur de manœuvres de combat époustouflantes à haute altitude et à des vitesses hypersoniques – et méritent d’être découvertes en salle sur le plus grand écran possible. Le design sonore est aussi un aspect majeur de l’aspect viscéral de ces séquences, le spectateur est littéralement fouetté par le son des réacteurs. Tout est fait pour accentuer la sensation de vitesse et donc de danger, on ressent un sentiment d’urgence à chaque minute, mis en scène avec une précision d’horloger. Le coté viscéral de ces séquences de combats aériens renvoie beaucoup de films action dopés aux effets numériques à leur condition de cinématiques de jeux vidéos. Si l’intrigue est relativement dépouillée, McQuarrie et Kosinski, jusqu’à la définition assez vague de l’adversaire ou de la région dans laquelle s’effectue la mission, traitent chaque séquence aérienne comme un film dans le film avec chacune ses enjeux parfaitement définis. Les séquences de briefing permettant d’introduire des instructions spécifique qui seront utiles à la construction de séquences dont la succession est gérée de manière experte jusqu’à un final qui multiplie les climax. Le montage des séquences d’action signé Eddie Hamilton (Mission: Impossible – Fallout, Kingsman )qui constituent le cœur du film – est terriblement efficace. La vitesse est une chose. La clarté en est une autre. Top Gun: Maverick possède les deux.

Si il avait capitalisé un temps sur le succès du film de Tony Scott avec des films comme Days of Thunder ou même Cocktail, Tom Cruise n’avait jamais voulu donner une suite au film qui avait fait de lui une idole planétaire aspirant à devenir à la fois une star mais aussi un acteur reconnu comme ses modèles de l’époque les Paul Newman ou les Robert Redford. Trente six ans et quelques Kubrick, Mann, Scorsese, De Palma, PTA ou Oliver Stone plus tard, Cruise est désormais plus plus grand que Top Gun et peut réenfiler son flight-jacket sans que ce retour ne sonne comme un aveu d’échec. La mode du Legacyquel (pour Legacy Sequel – « suites de patrimoine », terme qualifiant la suite d’un classique qui se déroule dans le même univers avec les mêmes acteurs tout en utilisant le temps écoulé pour présenter la franchise à une nouvelle génération) est passée par là, Kosinski s’y est déjà illustré avec Tron : Legacy et justifie qu’il le revisite. Mais Cruise n’est pas ici pour passer le flambeau à une nouvelle génération, Top Gun : Maverick reste une célébration de sa vedette, immuable dans le paysage cinématographique : la dernière star d’Hollywood.. Le film joue ainsi comme une métaphore de sa vie et sa carrière : les jeunes pilotes changent de visage autour de lui, l’âge où la maladie éloignent ses anciens partenaires, son amoureuse rajeunit mais il joue malgré les décennies à presque 60 ans le rôle de ses 20 ans avec les mêmes ray-ban, le même flight-jacket et le même sourire-megawatts. Maverick comme Cruise est le fossile d’une époque révolue. Solitaire sans femmes ni enfants pour le freiner il est tel le requin une machine en perpétuel mouvement programmée pour une seule chose, piloter des avions de chasse au delà des limites humaines pour l’un, des machines de divertissement globales pour l’autre, et ils adorent ça!

Dans cette suite transgénérationnelle , le meilleur ami de Maverick dans Top Gun, Goose, n’étant plus de ce monde, il est remplacé par son fils Rooster qui arbore la même moustache que son père, suggérant que cela suffit pour ressembler au personnage d’Anthony Edwards. Mais Miles Teller n’a rien de l’amabilité d’Edwards. Sa rivalité avec Hangman pilote arrogant et qui enfreint les règles, incarné par un Glen Powell charismatique, évoque celle entre Maverick et Iceman dans l’original, bien que son plus gros problème soit évidemment avec Maverick. Succédant à l’astrophysicienne interprétée par Kelly McGillis, Jennifer Connelly interprète une propriétaire d’un bar qui a eu une relation avec Maverick. On ne peut pas dire, même si une des candidates à la mission suicide est une femme (Monica Barbaro) que le film soigne beaucoup le point de vue féminin même si Connelly parvient à maintenir malgré le poids négligeable de Penny, son personnage, le véritable intérêt amoureux de Maverick reste les F-18. Dans le rôle de l’officier tentant désespérément de clouer Maverick au sol , Jon Hamm -qui a signé pour le film sans connaitre le script ou son personnage – est excellent toujours entre premier et second degré. Son personnage sorti major de sa promotion de Top Gun en 1988 apparait comme un héros perdu de la franchise si elle avait continué après le film de Tony Scott. Si Maverick ne s’est pas élevé dans la hiérarchie, Iceman, son rival du premier film, commande maintenant la flotte du Pacifique. Val Kilmer diminué et malade revient pour une apparition, et partage avec Cruise une scène étonnamment touchante qui est l’une des clés de l’attrait des deux films où le culte de la vitesse et du bruit offre une couverture pour se vautrer dans la sentimentalité macho.

Conclusion : Un des mantras du film est « Tout dépend de l’homme ou de la femme dans la boîte » à propos de l’importance des pilotes et Tom Cruise réaffirme qu’il est simplement le meilleur des meilleurs en matière de sensations fortes. Avec le réalisateur Joseph Kosinski et son producteur/partenaire/ami Christopher McQuarrie, il a conçu un blockbuster « populiste » de haute précision à la fois incroyablement efficace mais étonnamment émouvant.

Ma Note : B+

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