JOHN WICK : CHAPITRE 4 (Critique)

JOHN WICK : CHAPITRE 4 est le denier mouvement de la symphonie de violence chorégraphiée entamée en 2014 avec le premier John Wick réalisé par Chad Stahelski (aux côtés d’un David Leitch non crédité) venu du monde des cascades, devenu un classique instantané avec son mélange unique d’action stylisée, de véritables cascades qui a ramené grâce et style à un genre miné par le recours aux effets numériques. Ses suites de plus en plus spectaculaires et stylisées ont bâti en une décennie une franchise majeure dont seuls quelques esprits chagrins refusent de manière puérile de reconnaitre qu’elle a changé la mise en scène de l’action dans le cinéma américain. La dernière fois que nous avions vu John Wick (Keanu Reeves) il avait été laissé pour mort, abattu par Winston le directeur du Continental, échouant dans les bas-fonds recueilli par le roi des clochards le Bowery king (Lawrence Fishburne) un ancien chef du crime clandestin qui a été laissé pour mort par la table haute et qui le parraine maintenant. Décidé à se venger Wick pense décimer la tête de la « haute table » la confrérie occulte régissant le monde criminel en tuant son leader l’Ancien mais le reste de l’organisation donne les pleins pouvoirs à un de ses membres le marquis de Gramont (Bill Skarsgård) pour régler définitivement le « problème John Wick ». Ce dernier va déchainer toute leur puissance de feu pour détruire tous ceux qui ont pu aider Wick par le passé et lâcher après lui un assassin aussi redoutable que Baba Yaga, Caine (Donnie Yen) un ami fidèle de Wick dont il menace la fille. Winston va néanmoins s’avérer la dernière planche de salut pour Wick et lui proposer une stratégie pour être une fois pour toutes libéré de la Grande Table.

Tous les personnages du précédent chapitre font leur retour (ceux qui ont survécu au carnage en tout cas!) le toujours ambigu Winston (Ian McShane) administrateur de l’hôtel Continental , son concierge Charon (Lance Reddick) ainsi que le Bowery King à la tête d’un réseau de clochards assassins et espions (qui tient son titre d’un quartier de Manhattan qui à la réputation d’attirer les alcooliques et les SDF) interprété par Lawrence Fishburne. Mais ils n’ont, à part McShane pas la présence qu’ils ont pu avoir dans les précédents films, Fishburne en particulier se trouve réduit à la fonction qu’occupait le personnage du « sommelier » dans le second volet, celle d’équipementier du héros comme Q dans les James Bond. Ce dernier chapitre introduit de nouveaux protagonistes et antagonistes dont certains sont liés au passé de Wick comme ces deux vieux amis du héros qui vont chacun faire des choix différents. D’une part Shimazu joué par Hiroyuki Sanada un comédien japonais habitué des grosses productions Hollywoodienne  (Sunshine, Wolverine : Le Combat de l’immortelBullet train) directeur de l’Hôtel Continental d’Osaka aux cotés de sa fille Akira ( Rina Sawayama une chanteuse nippo-britannique) prêt à sacrifier sa position et sa vie pour défendre son vieux camarade. De l’autre Caine interprété par la star hong-kongaise Donnie Yen dont la carrière US compte XXX reactivated et Rogue One un ancien assassin (aveugle dans la tradition de Zatoichi) de la Grande Table qui avait pris sa retraite et qui accepte de traquer son ami pour sauver sa propre fille. C’est un adversaire différent car ils n’ont pas de griefs personnels à l’égard l’un de l’autre, mais ont des personnalités qui se ressemblent et les mêmes méthodes. Donnie Yen et Hiroyuki Sanada et sont tous deux des voleurs de scène. Chacun a tellement de style, de charisme et de talent qu’ils enrichissent le film dans son ensemble et donne de l’épaisseur à des personnages peu écrits. Le film leur fait même l’honneur d’une confrontation directe. Yen fait la démonstration de ses talents martiaux et de comédiens mais on regrettera que le personnage verse trop tôt dans son coté honorable pour faire planer une vraie menace sur le film. Sans avoir leur expérience la débutante Rina Sawayama a un charisme et une aisance martiale assez remarquable, sa scène d’action et son emploi de l’arc traditionnel est électrique. Ce nouveau chapitre introduit un personnage mystérieux, accompagné de son chien d’attaque (qui confirme le statut de franchise préférée des amateurs de chiens des John Wick) dont on en connait pas le nom et qui navigue entre les parties en présence incarné par l’acteur canadien Shamier Anderson. On sent le volonté de faire de ce personnage plus jeune une version de l’homme sans nom incarné dans la trilogie des dollars de Sergio Leone Tracker et d’établir entre lui, Caine et John Wick une relation semblable à celle qui existe entre les personnages du Bon, La Brute et le Truand mais cette initiative ne fonctionne pas. Le personnage n’est pas assez défini pour peser sur le déroulement de l’intrigue autrement que comme témoin.

Pour ce quatrième chapitre c’est Bill Skarsgård le clown Grippe-sou de Ça récemment vu dans Barbarian qui endosse le rôle du méchant principal « le marquis de Gramont » conçu comme une version définitive de la figure du bad-guy « eurotrash » dont l’archétype est le Hans Gruber de Die Hard ou le Goldfinger de James Bond : des criminels souvent européen amoraux, sophistiqués et décadents. Son introduction et sa première action flamboyante laisse augurer un adversaire de taille mais il retombe vite dans le moule de ceux des films précédents, commanditant des tueurs toujours plus nombreux en faisant monter la prime sur la tété de John Wick. Son absence de lien direct avec lui diminue finalement son importance car il reste une menace externe. Son principal pouvoir semble être celui de privatiser des lieux d’exception pour en faire son QG : la galerie des glaces de Versailles, le musée du Louvre et la Fondation Vuitton (la moitié du film se déroule en France. Mais Skarsgård par son jeu malicieux comme les autres comédiens étoffe son personnage et son contraste avec Wick fonctionne bien. Le britannique Scott Adkins qui s’est taillé une solide réputation auprès des afficionados d’action dans des films sortis directement en DVD ou sur les plateformes (Universal Soldier : Le Jour du jugement) rejoint la franchise dans le rôle de Killa, le chef de la branche allemande de la haute table. Adkins dans un fat-suit démontre sa compétence d’artiste martial et compose un antagoniste obèse qui malgré son poids s’avère un redoutable combattant et un adversaire particulièrement vicieux. Ce personnage grotesque comme une version allemande du fat bastard des Austin Powers évoque l’univers de l‘anime . On sait le réalisateur Chad Stahelski fan d’Highlander (dont il veut réaliser le remake), « The Continental »,  le sanctuaire pour assassins  de John Wick rappele d’ailleurs les lieux sacrés du film de Russell Mulcahy où les immortels ne pouvaient pas s’affronter. Ce n’est donc pas une surprise de le voir faire appel à l’interprète du Kurgan Clancy Brown (il lui fait même prononcer une phrase en hommage direct au film de Mulcahy) à qui il confie le rôle d’un membre mystérieux de la hiérarchie de la Haute Table The Harbinger (le Messager) dont l’autorité plane sur le film. C’est un personnage mystérieux dont le doigt coupé indique qu’il a eu comme John Wick des conflits avec l’organisation avant d’y tenir son rôle actuel. Il incarne ce que Wick deviendra sans doute si il reste sous l’emprise de l’organisation.

JOHN WICK : CHAPITRE 4 est un film plein de paradoxes, avec une durée de 2h49 c’est le plus long de la franchise mais c’est également celui qui a l’intrigue la moins dense reproduisant la structure des deux opus précédents sans vraiment étendre la mythologie. Le récit n’est que le prétexte à un enchainements de longues séquences d’action (14!!) à la fois belles et inventives toutes tournées vers sa finalité. Ce choix de répéter la structure et les figure des précédents prend son sens quand arrive la conclusion du film même si on se trouve moins engagé émotionnellement par les événements et si certains des nouveaux personnages ne fonctionnent pas aussi bien que dans les précédents. Mais et c’est un autre paradoxe du film on ne s’ennuie pour autant jamais comme hypnotisé par ces longues séquences d’action fascinantes aux chorégraphies toujours plus complexes, à la cinématographie époustouflante qui s’enchainent tel un fleuve majestueux de balles, de mandales et de néons. Même si il pousse la répétition et l’étirement des scènes à leurs limites, jamais on a la sensation de vouloir moins que ce qui nous est présenté. Cela tient évidemment au niveau supérieur de l’action que propose Chad Stahelski et et ses collaborateurs : son directeur de la photographie depuis le deuxième volet Dan Laustsen (La forme de l’eau, Crimson Peak nouveau monteur Nathan Orloff, continuent d’innover dans la conception – en introduisant de nouvelles armes (des nunchakus, des armes à munitions incendiaires ou des ninjas en armure blindées) ou techniques – et la mise en scène de l’action qu’ils veulent incessante et cinétique mais toujours lisible : chaque plan du film est intéressant, chaque cadre compte. La photographie du danois en fait un des film d’action américain le plus somptueux. Il opte pour des objectifs anamorphiques agrandissant le cadre pour lui conférer un aspect grandiose, sa lumière toute en teintes métalliques et éclats de néon sublime chaque plan, chaque décor leur donnant un aspect irréel et « classieux ». Majoritairement nocturne à l’exception d’une scène dans le désert Jordanien , JOHN WICK : CHAPITRE 4 comme ses prédécesseurs n’en est pas moins très coloré et très contrasté, Lautsen utilise la pluie et la fumée pour lui donner un cachet atmosphérique.

Pour le meilleur et pour le pire, l’action ne s’arrête presque jamais la chorégraphie de combat d’instant en instant est toujours aussi excitante, même si les séquences manquent un peu de variété. JOHN WICK : CHAPITRE 4 s’articule donc autour de quatre grandes séquences d’action avec leur propre scénario et atmosphère, de plus en plus longues et complexes. Aprés une ouverture dans le désert Jordanien pour une fusillade équestre, on assiste à l’assaut du Continental d’Osaka mené d’une part par Chidi un géant en apparence indestructible (interprété par Marko Zaror, star chilienne du cinéma d’action) et ses tueurs qui investissent le hall d’accueil mais aussi les troupes de choc de de la Grande Table, des Ninjas que Wick affronte aux cotés d’Akira à coup de nunchuk, puis une confrontation à Berlin contre le vaste Killa au gout d’anime et enfin un dernier acte parisien avec une escalade d’action qui passe par une hallucinante scène de « car-fu » sur le rond point de l’Etoile où Wick utilise la circulation comme arme contre ses adversaires, l’ascension (et parfois la descente) en mode chemin de croix des 222 marches de l’escalier du Funiculaire de Montmartre grouillant de tueurs jusqu’au duel final qui attend Wick au Sacré Cœur. Mais la séquence d’action la plus mémorable est une fusillade dans un immeuble parisien abandonné où les assaillants emploient des shotguns calibre 12 « Dragon’s breath » qui tirent des cartouches spéciales incendiaires au magnésium. Elle se distingue par son dispositif unique : filmée en un seul long plan zénital à la Minority Report et est peut-être l’une des meilleures scènes d’action de la décennie.

Rares sont les films, en dehors du cinéma asiatique où les scènes d’action pourtant indissociables des blockbusters depuis presque 30 ans constituent le cœur du film. Chad Stahelski a voulu faire des John Wick des films où il n’y a pas de séparation entre l’histoire et l’action. Dégraissé de toute exposition les John Wick sont plus proches plus du cinéma muet ou des comédies musicales de l’âge d’or d’Hollywood que du film d’action moderne dopées aux effets numériques. Des premiers ils donnent de l’importance à un regard, une posture transmettent un sentiment au spectateur Les fusillades aussi brutales qu’élégantes sont aux John Wick ce que les grands numéros de danse étaient aux musicals de la MGM. Plus que jamais auparavant dans JOHN WICK : CHAPITRE 4 il fait le choix de laisser se développer l’action sans coupes intempestives dans de très longues prises en plans larges, se reposant sur les prouesses physiques des équipes de cascadeurs et sur l’implication totale de sa vedette. Les John Wick ne seraient rien sans le charisme zen de Keanu Reeves qui donne à son ange exterminateur une humanité qui met toujours le public de son côté malgré un « body-count » qui le place entre le COVID-19 et le cancer. Son implication physique dans l’action est unique (si l’on excepte Tom Cruise autre sexagénaire fringuant) . A 58 ans le visage du comédien commence à montrer les signes du temps ce qui contribue à humaniser encore plus le personnage. Avec John Wick 4 Stahelski semble vouloir avec ce film replacer le cinéma US dans la hiérarchie du cinéma d’action revisitant selon les séquences les styles Hongkongais, Coréens ou Japonais. Il a fait des John Wick le creuset où peuvent se mélanger des éléments issus du film de samouraïs (le personnage de Donnie Yen renvoie au samouraï aveugle de Zatoichi) , au Wuxia, au western spaghetti ou au thriller des années 70 (Le Point de non-retour de John Boorman est la matrice des Wick). John Wick démontre que ce qui compte vraiment dans ce genre si balisé ce n’est pas tant les concepts originaux qu’une façon originale de les appliquer.

Conclusion : Epopée d’action aussi exaltante qu’épuisante, malgré l’intrigue la plus mince des quatre chapitres, on ne s’ennuie jamais durant les trois heures de fusillades brutales et élégantes de JOHN WICK : CHAPITRE 4 comme hypnotisé par ce fleuve de balles, de mandales et de néons aux chorégraphies toujours plus complexes jusqu’à la conclusion la saga d’action du siècle qui installe définitivement sa star Keanu Reeves au rang d’icone du genre.

Ma Note : B+

John Wick Chapitre 4 de Chad Stahelski avec Keanu Reeves sortie le 22 mars 2023

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