BLACK WIDOW (CRITIQUE)

On a l’impression d’attendre depuis toujours de voir Black Widow – ou du moins, depuis les débuts de Scarlett Johansson dans le rôle de la  mystérieuse Natasha Romanoff dans Iron Man 2  il y a plus de dix ans. Ce film très demandé et très attendu aurait pu être le premier film solo d’une héroïne dans cet univers mais cet honneur revint au médiocre  Captain Marvel. La production de Black Widow  débute  finalement en 2017 avant que ne frappe la pandémie qui va déplacer sa  date de sortie initialement prévue en mai 2020 trois fois jusqu’à ce mois de juillet.  Ironie du sort le film de l’australienne  Cate  Shortland débarque sur nos écrans après le décès du personnage dans Avengers Endgame  et se présente donc sous  la forme d’un double retour en arrière. A  travers une aventure qui se déroule entre les événements de  Captain America Civil War et Avengers Infinity War alors que Natasha Romanoff (Scarlett Johansson) est traquée par le gouvernement suite à sa participation au conflit aux cotés de Steve Rogers  on en découvre un peu  plus sur les origines du personnage.

Black Widow  s’ouvre sur une séquence surprenante qu’on croirait tirée de la série The Americans avec une famille américaine typique : une mère de famille , une adolescente et sa petite sœur dans l’Ohio des années 90. Quand le père rentre de son travail, ils doivent évacuer la maison presque immédiatement, leur véhicule familial bientôt poursuivi par des agents de la police et du SHIELD jusqu’à un aérodrome  où ils embarquent au dernier moment dans un petit avion, direction Cuba. Cette famille est en fait une cellule d’agents soviétiques en mission de sabotage aux USA . A leur arrivée à Cuba où ils rencontrent leur officier traitant le General Dreykov  , les jeunes filles , on comprend que l’ainée (Ever Anderson) est notre héroïne, sont enlevées pour rejoindre la « Chambre Rouge » un programme  qui kidnappe des jeunes filles et les entraîne à devenir des assassins. Cette introduction est particulièrement efficace dans sa façon de mêler réalisme et  éléments plus fantastiques du MCU (le père de famille semble « augmenté ») et sert de note d’intention au film qui comme souvent chez Marvel Studios mêlé les conventions super-héroïques à celles d’autres genres, très codifiés donc familiers du grand public. Black Widow se veut donc un thriller d’espionnage-action qui couvre un spectre allant du traitement viscéral  de l’action des Jason Bourne  aux vilains mégalomaniaques et leurs bases secrètes  des James Bond époque Roger Moore  ( Natasha regarde d’ailleurs Moonraker durant le film pour le souligner). Mais on sent chez Cate Shortland et ses scénaristes, Eric Pearson ( Thor : Ragnarok) , Jac Schaeffer (Wandavision) et Ned Benson (The Disappearance of Eleanor Rigby) la volonté de  développer une forte dimension émotionnelle et donner une résonance thématique au film.

Ces choix  font évidemment que Black Widow  partage beaucoup de l’ADN de Captain America Le Soldat de l’Hiver , sans en être un clone, le traitement de Natasha y est assez similaire et un développement de l’intrigue fait écho à un moment iconique du film des frères Russos. Dans sa première partie Black Widow   enchaine les scènes d’action à haute intensité à un rythme soutenu qui  culmine dans une longue séquence  à Budapest qui voit Natasha confronter  sa « sœur » Yelena Belova (Florence Pugh) une « veuve noire » qui a échappé au contrôle de la Chambre Rouge et s’est emparé d’un antidote au composé chimique de Dreykov qui inhibe le libre arbitre chez ses agents. Bientôt les sœurs adoptives doivent s’allier pour échapper à un commando de « veuve noires » mais aussi au mystérieux Taskmaster un assassin capable de dupliquer les mouvements de ceux qu’il observe (et qui a dans son répertoire des techniques volées à Spider-man, Black Panther ou Hawkeye) . Cette longue séquence virtuose aligne non-stop des combats à mains nues brutaux, des poursuites en voitures millimétrées et sert de démonstration au travail du directeur de seconde équipe Darrin Prescott qui a déjà officié sur les John Wick, Black Panther et Captain America: Civil WarScarlett Johansson et Florence Pugh sont complémentaires, la manière dont leur relation  se développe dans l’action est effective. Si il est moins rare aujourd’hui de voir des films d’action féminins, il est  plus rare en revanche de voir des rapports de  buddy-movie  entre deux personnages féminins comme ici,. L’humour pince-sans-rire de Pugh fonctionne bien  face à une  Johansson  stoïque. Si l’action est intense le cœur du film reste l’histoire sincère et poignante de cette famille brisée et une métaphore sur la manière dont le monde exploite les jeunes  filles. Cate Shortland maintient dans un second acte plus dramatique,  un bel équilibre entre action, timing comique et la gravité des situations et  des  thèmes qu’abordent le film.

Black Widow  bénéficie d’un des  meilleur castings d’un film Marvel. Fidèle à son habitude le studio fait appel pour incarner les nouveaux personnages que le film introduit dans le MCU à un association  d’acteurs  de séries à succès, d’actrices prestigieuses  confirmées et de  stars montantes.  David Harbour (Stranger Things, Hellboy) incarne Alexei Shostakov  alias Red Guardian le super-soldat de l’ère soviétique ,  Rachel Weisz (La FavoriteMelina Vostokoff  une des formatrices de Natasha, architecte du projet Black Widow et Florence Pugh (Midsommar)  a le rôle central de Yelena Belova  la seconde Black Widow. Plus encore  que l’action c’est bien la dynamique de cette famille dysfonctionnelle qui propulse le film , l’entente entre les comédiens est palpable et ils apportent de multiples dimensions à leurs personnages respectifs.  Florence Pugh est la MVP de cet ensemble, charismatique à l’aise dans l’action ,  la comédie  comme dans  les moments plus poignants où cette espionne surentrainée  se montre pourtant  incapable de réprimer ses sentiments. Ses scènes avec Scarlett Johansson  donnent  lieu  à de  beaux moments de sororité. Sans rien déflorer, son personnage est sans doute promis  à un grand avenir dans le MCU.  David Harbour est lui aussi formidable, il vole quasiment toutes les scènes dans lesquelles il apparait avec un  personnage truculent à la Falstaff. Si son apport  est essentiellement comique, Harbour est  vraiment drôle, il parvient par petites touches à donner à son personnage des tonalités  tour à tour sinistres ou attachantes. Son physique imposant compose une silhouette plus grande que nature qui évoque vraiment un personnage de comic-book live . Rachel Weisz semble s’amuser sincèrement a bâtir ce personnage  ambigu qu’elle joue avec une pointe de regret . Scarlett Johansson  maitrise si bien toutes les nuances de ce personnage qu’elle incarne depuis plus d’une décennie que sa performance,  semble en retrait par rapport à ses nouveaux partenaires plus exubérants pourtant son jeu nous semble toujours aussi juste.

Les deux grandes séquences d’action de la seconde moitié du film, plus super-héroïques,  sont très spectaculaires et habilement construites mais  la surabondance d’images de synthèse et l’étalonnage de l’image typique des films du studios tend à  les aseptiser. Ces séquences où sont pourtant exécutées de nombreuses cascades physiques en particulier en chute libre  apparaissent  presque génériques dans leur facture.  Black Widow souffre comme beaucoup de films Marvel, de l’absence de vilains  mémorables. Le traitement de Taskmaster est une déception, si le film reprend ses pouvoirs et quelques éléments de son iconographie (le bouclier , la tête de mort , les couleurs) dans un costume qui évoque, hélas plus Power Rangers que Avengers, le personnage est très différent du mercenaire sardonique des comics, c’est ici un homme de main  mutique dénué de personnalité qui traque nos héroïnes tel le Terminator. La révélation de sa véritable nature veut servir  le propos du film, l’éloignant un peu plus de son incarnation de papier mais son exécution est si maladroite qu’elle est inefficace. Le  vilain principal Dreykov évoqué dés le premier film Avengers, se veut une incarnation du patriarcat le plus violent mais le manque de charisme de  Ray Winstone  (Beowulf, Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal)  nuit à l’efficacité dramatique et la portée émotionnelle du climax.  Black Widow  pâtit également du fait d’arriver  tard dans la trajectoire  du personnage dont le le spectateur connait le destin et apparait  comme un post-scriptum plutôt qu’un chapitre essentiel de son histoire. Coté technique malgré la patine numérique des scènes évoquées plus haut, la photographie chaude du mexicain Gabriel Beristain  (Blade II) sert plutôt agréablement les scènes dramatiques. Autre réussite la partition de Lorne Balfe (Mission Impossible Fallout)  donne une atmosphère de gravité à l’ensemble. En conclusion

Conclusion : Black Widow fonctionne pleinement quand l’action est viscérale et laisse s’exprimer ses personnages (Florence Pugh, David Harbour, Rachel Weisz et Scarlett Johansson tous formidables) , un peu moins dans un final plus fonctionnel dominé par les CGI. Reste néanmoins un divertissement très solide.

Ma note : B

Black Widow de Cate Shortland (sortie le 7 Juillet 2021)

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